Cours oraux : Extraits de Cours - Grégoire de Nazianze

Grégoire de Nazianze, Discours 22, 3ème discours irénique rédigé entre 379 et 381.

Ce cours, professé par notre Doyen, Hubert Ordronneau,

durant les années académiques 2016-2017 et 2017-2018,

fait désormais l’objet d’une édition dans le cadre des polycopiés de l’Institut.

(consulter la liste des polycopiés)

Nous vous proposons, ici, l'introduction à l'ensemble du cours et l'étude des chapitres 1, 5, 15 et 16.

gregoire

Introduction

Ce discours prend place dans une série de discours (3) qui ont pour thème la réconciliation entre les partis ecclésiastiques.

A quelle date cette œuvre est-elle écrite par l’auteur ? Les conjectures, nombreuses, oscillent entre 379, soit l’arrivée de Grégoire à Constantinople, appelé par Théodose 1er, dit Théodose  le Grand, et 381 date à laquelle, en raison des trop nombreux et lourds conflits qui ont marqué la présidence de Grégoire à la tête du 1er concile de Constantinople en 381, il démissionne et se met à écrire sur des éléments majeurs de son expérience épiscopale; ce travail d’analyse et d’élucidation se nourrit autant d’un objectif théologique que pastoral.

Les circonstances, les événements, ici sous la forme particulière de querelles théologiques, conditionnent l’écriture d’un auteur, la tonalité de l’œuvre en général : la structure du discours, le rythme, le vocabulaire et jusqu’à la syntaxe, plus ou moins agressive révèlent ce qui passe dans l’âme de l’écrivain, et orientent l’énergie générale du discours, genre hautement tributaire de l’investissement personnel de l’orateur dans  la cause qu’il défend. En un mot tout l’arsenal de la rhétorique et de la stylistique est convoqué pour atteindre l’objectif de l’orateur.

Grégoire naît en 330 en Cappadoce, à Nazianze et naît au ciel en 390. Si l’on exclut les 25 premières années où les écrivains produisent rarement leurs œuvres majeures, on voit que Grégoire couvre de sa personnalité exceptionnelle les années 355 - 390, soit 35 ans de réflexion, de méditation et d’écriture active sur et dans  la deuxième partie du IVème siècle. Ces précisions de dates ne sont pas négligeables, au-delà même de l’ordre qu’elles mettent dans nos têtes, c’est une façon de prendre la mesure de l’incarnation des grands hommes que l’on imagine trop souvent, à quelque génération d’intervalle, et quel que soit leur registre de présence au monde - artistique, scientifique, politique, religieux etc.- on les imagine donc  comme suspendus dans les airs, sans attache réelle avec le monde concret. Leur œuvre est enracinée dans le concret de l’existence, mais le plus souvent ils n’ont pas été vaincus par lui. Ce point me paraît très important pour bien recevoir une œuvre dans sa gestation et son aboutissement, et ne pas la reléguer dans les objets de musée, au prétexte que notre monde est bien différent. Sortons de ce leurre naïf, qui aveugle sur le passé autant que sur l’avenir.

Aussi regardons d’un peu plus près cet homme au caractère conciliant, qui prise les relations d’amitié, qui a besoin de la chaleur et de la confiance de ceux qu’il fréquente, prompt justement à faire confiance à ceux que son cœur a élus, mais qui va se révéler d’une sévérité insigne, extrême avec ceux qui l’ont trahi, ou ceux qui ont manqué à leur foi et aux engagements qu’elle induit.

En cette dernière partie du IVème siècle, Grégoire de Nazianze, dit le Théologien, connaît un arianisme triomphant. Par son talent oratoire qui s’est à la fois enrichi et forgé par une immense culture profane et religieuse, il a ouvert une brèche dans ce triomphalisme, et a largement contribué à en réduire la prétention et la portée.
Par cette culture, qu’entendons-nous ? n’y mettons-pas une vague notion ! Il connaît à fond la culture grecque antique, philosophique et littéraire, qui l’a familiarisé avec les péripéties de l’âme humaine aux prises avec un destin incompréhensible.

L’autre versant de sa culture est une connaissance, quasi par cœur, de la Bible  dont sa mère, quand il n’a que six ans, lui offre un premier « exemplaire ». Bible qui n’a rien à voir avec les modèles que nous connaissons, bien sûr, car l’ensemble des textes, beaucoup moins nombreux, n’a pas encore été apprivoisé et mis en ordre par les exégètes et les historiens, comme le déplorera quelques années plus tard l’éminent Augustin.

Doté de cette  double culture, formatrice de l’intellect autant que de la psyché et de l’efficacité du verbe, Grégoire est en mesure d’affronter les vicissitudes du monde, par sa plume  notamment trempée dans l’énergie, et la soif de vérité, mais il les affronte aussi par les responsabilités dont il se laisse progressivement charger, parfois à son corps défendant quand la tâche lui paraît accablante - sacerdoce et épiscopat. En effet il préfère, du plus profond de son être, travailler dans la solitude, faite de prières, de méditation et d’écriture. Mais les soucis du monde et la nécessité d’y faire face l’ont constamment rattrapé.

Esquissons le plan de ce discours :

* Éloge de la paix, qui est divine.
* La mésentente entre chrétiens est un contre-exemple du précepte fondateur du christianisme.
* On ne peut y remédier qu’en prenant conscience de la subjectivité et de la versatilité de nos opinions. Ce qui relativise notre intransigeance.
* La mésentente, par son contre-exemple, rend suspecte la doctrine chrétienne et réduit son influence.
* La bienveillance réciproque corrige notre intolérance, la malveillance les renforce. 
* Discerner ce qui relève de la discussion : ce qui est à la portée de notre intelligence, et ce qui est d’un autre ordre et appelle foi et enseignement.
* Discerner les questions fondamentales pour la justesse doctrinale, et celles qui sont périphériques et de moindre importance.
* Discerner enfin ce qui relève de la foi, et ce qui relève de la stricte démarche rationnelle. 
Le dernier chapitre dénonce l’ultime piège de nos erreurs : amour-propre et ambition.
Ce discours brosse ainsi un portrait de l’âme humaine, aux prises avec les tentations du monde qui nous détournent de notre vocation première, trahie par Adam et Ève, et restaurée par l’incarnation du Fils de Dieu.

Analyse du texte



Chapitre 1-
La Paix, définition théologique.

 

La première partie de ce chapitre est consacrée à la paix et celle-ci est d’emblée considérée comme un bien très précieux : la Paix- Eirènè - qualifiée de « philè » c’est-à-dire « bien aimée » . Cette formule « paix bien-aimée » qui valorise l’attachement vigoureux de Grégoire de Nazianze est utilisée trois fois en tête de paragraphe ; figure de style appelée anaphore et que poètes et orateurs utilisent volontiers non seulement pour créer un effet rythmique qui facilite la mémorisation du propos par l’auditeur, mais surtout fait caisse de résonance pour l’idée qui se révèle ainsi être le cœur du sujet. Point de mire sur lequel se focalise l’attention ; c’est bien le cas ici, puisque Grégoire déplore la paix rompue.Et chacune de ces formulations s’accompagne d’une remarque particulière, caractéristique, comme si l’auteur faisait un a parte avec lui-même et, par une ruse stylistique, se donnait l’occasion d’exprimer en quoi l’auditeur devrait aussi prendre à son compte cette méditation.

 

- Dans le premier cas de figure nous sommes renvoyés de toute évidence au rite du baiser de paix que pratique la liturgie selon saint Jean Chrysostome, et aussi celle selon saint Germain de Paris, qui est la nôtre. En pasteur avisé qui connaît bien l’âme humaine et ses distractions, en tant que clerc aussi Grégoire se demande si ces paroles de « souhait de paix réciproque » étaient sincères (gnèsia) et surtout « dignes de l’Esprit ». D’un coup si la frivolité de ce souhait était confirmée, la faute serait grave, elle serait plus qu’une distraction, une négligence à accueillir pour soi et pour ses frères ce don de l’Esprit, sans lequel  nulle société  ne peut survivre. Et devant la gravité de l’attitude le théologien enfonce le clou du blâme : Dieu refuse d’être témoin de ce geste plus que frivole, futile même puisque ramené à la vanité d’un geste mondain, et vidé de sa substance créatrice.

 

- La deuxième formulation marque un crescendo dans sa qualification « objet de mes soins et de ma fierté » ; ne pas entendre par là vanité de Grégoire, mais objet de préoccupation majeur de l’homme d’Église, dont la vocation est de mettre dans l’âme du chrétien cette paix que ne troublent plus les leurres de la société, ses fantasmes et ses sortilèges, que ne brisent pas les jalousies et les convoitises. Le mot « kallôpisma » signifie « ornement, embellissement » ; pour mieux comprendre l’auteur allons vers le verbe « kallôpizô » qui veut dire « changer en quelque chose de beau ». Nous y voilà. Par cette paix, l’âme est transfigurée, par l’ardeur des soins de Grégoire, ce qui pourrait traduire le terme « meletèma » qui veut dire « étude, exercice pratique ». Disons le autrement, c’est grâce à un zèle constant que le pasteur atteint cet embellissement  de l’âme. Et pour  insister encore sur la gravité déjà dénoncée à souhaiter la paix avec désinvolture et presque inadvertance, la paix doit être rapportée à son auteur, la paix est dans le cœur de Dieu, si vous permettez cet anthropomorphisme ; par un habile jeu de mots qui sert la vérité d’ailleurs, loin de l’en distraire, il souligne « la paix de Dieu » «  le Dieu de la paix », pour en déduire : «  Notre paix est lui-même ».

 

Tout Grégoire de Nazianze est dans ce propos, dans cette maille très serrée du discours, où les mots se placent d’eux-mêmes dans une juste perspective pour donner ce sentiment de certitude que la paix ne nous sera jamais familière si nous ne la recevons de Dieu, qu’elle s’évanouira aussitôt qu’on se sera détourné de lui, et que les querelles se réinstalleront dans le cœur des hommes. Il insiste encore, sachant comme Isaïe que notre nuque est raide et nos cœurs récalcitrants, en précisant dans une structure syntaxique qui se déroule comme une musique bien réglée : « Nous entendons qu’elle appartient à Dieu, que Dieu est son Dieu et qu’elle est divine elle-même »,  pas un interstice disponible pour y glisser une contestation. Ici se rencontrent le grand orateur et le grand théologien. Grégoire convoque dans un même élan et sa puissance théologique et son art oratoire pour graver en nous, pour révéler ce qu’est l’essence de la paix. Lame de fond qui doit recouvrir en lettres d’or ce qui va devenir la devise de ce discours. Nous voyons comment le style même vient au service de notre vie quotidienne, pour devenir l’élément fondamental de toutes nos pensées et de toutes nos actions. Et soudain, comme pour asséner à l’âme rebelle son dernier coup, il conclut cette deuxième considération par les propos suivants : « et, même dans ces conditions, nous ne la respectons pas ». L’offense à Dieu est totale, et paraît sans issue. Surgit l’image de l’homme prétentieux qui refuse un don de Dieu.

- La troisième formulation. L’éloge se poursuit, mais pour en désigner la perte générale, trois éléments sont consignés :
* la restriction de cette paix à un petit nombre,
* le lieu de désertion de cette paix vitale et sa durée interminable,
* la date éventuelle de son retour.
Ces mots qui expriment une déploration d’absence présentent un télescopage des notions de temps et de lieu, comme pour marquer l’égarement des hommes, qui ne savent alors plus où ils sont, car ce sont les deux repères essentiels qui situent et orientent notre existence.
L’abandon de cette paix semble se perdre dans la nuit des temps, et l’espoir semble bien maigre de la retrouver bientôt. Aussi s’impose au lecteur l’image de la détresse ; Grégoire s’empare alors d’une triple image forte pour dire son propre désarroi, déjà exprimé, son attachement personnel, qui le fait figurer comme un juste implorant la miséricorde divine. Les mots-clés font choc « je te regrette / je te chéris », et aussi «  je m’attache e / « présente » « absente / je te rappelle en gémissant et pleurant ». Ici la figure grammaticale du chiasme nous retient un instant ; Grégoire est conscient qu’il est en train de mettre en place son discours, sur un plan logique et émotionnel, il s’emploie donc à fixer l’attention de l’auditeur, et veut que s’entrechoquent les deux mots qui désignent aussi deux états d’âme : « présente / absente ». Et c’est sur l’absence de la paix que se greffent les références à des figures majeures de l’Ancien Testament : Jacob et David, peints dans deux situations diamétralement opposées. La paix est alors assimilée à un être cher, comme le visage de l’être aimé que la mort aurait emporté et  dont l’absence est intolérable.

Nous ne sommes pas ici dans une attitude anthropomorphique, mais dans une personnification, c’est-à-dire que la notion abstraite de « paix »  est élevée au rang de personne parce que son incidence sur la vie personnelle est du même ordre, c’est-à-dire déterminante dans la perception heureuse ou malheureuse de la vie. On pourrait dire que l’auteur cède exagérément au pathos, et veut nous émouvoir à tout prix. Mais non ! Grégoire est authentiquement bouleversé quand la paix n’est plus là et que triomphe la discorde, il sent cet état comme profondément anormal et contraire au destin de l’humanité ; ce sentiment est profondément inscrit en lui ; la paix que le Christ a donnée est bafouée, et c’est le Christ que l’on bafoue, rappelons-nous ce qu’il vient de dire : « notre paix est lui-même » (il parle de Dieu). Il ne faut pas passer à côté de ce sentiment délicat de l’âme de Grégoire le théologien. La paix que le Christ est venu donner aux hommes, Grégoire en a fait son bien singulier, comme il voudrait que chacun le fît, il l’a pleinement intériorisé.


Revenons aux références des deux personnages bibliques ; la paix est semblable à la perte de Joseph, le fils très aimé, pour son père Jacob, et pour David Jonathan est l’ami sans faille, l’alter ego sans qui on n’est plus tout à fait soi-même, à la façon de Montaigne et de la Boétie « parce que c’était lui, parce que c’était moi », enfin pour David est mentionnée aussi la mort d’Absalon, ce fils en rébellion, mais l’héritier du trône, que dans sa colère David a demandé à ses serviteurs de pourchasser, en ne souhaitant pas vraiment être obéi. Mais si, les serviteurs ont tué ce fils qui est à jamais parti alors que leurs cœurs étaient en conflit.


Ainsi Grégoire met son auditeur en face de trois malheurs liés à la paix rejetée : la jalousie des frères de Joseph, la guerre où meurt Jonathan, le conflit avec le fils héritier, réglé par le bras armé  des soldats guerriers. Les trois personnages représentent l’amour paternel et l’amitié, ces sentiments de tendresse qui donnent sa plus belle lumière à chaque journée. L’extériorisation du chagrin de chacun est évoqué pour donner des témoignages concrets de la douleur ; l’auteur est un homme de lettres, ce n’est pas un philosophe stricto sensu, il veut donc mettre sous les yeux des auditeurs le tableau lamentable des ravages entraînés par les conflits. Jacob « tenait devant lui le vêtement ensanglanté de son enfant » précieuses reliques où se transfèrent à la fois l’amour et le chagrin. David, quant à lui, se met à oublier que son fils le menaçait. Dans les deux cas Grégoire de Nazianze fait parler le sentiment paternel. De Jacob il dit, au début de ce paragraphe, « déchiré dans ses entailles de père », puis de  David en fin de paragraphe « car le père a aussi  ceci de caractéristique qu’il regrette avec affection après qu’il est mort ceci qu’il avait repoussé comme son ennemi au moment où celui-ci lui faisait la guerre ».  Que devons-nous penser de ces deux références adossées au sentiment de la paternité blessée, et développées avec soin ? Sans doute que la paix est donnée par le Père, celui qui est aux cieux ou celui qui nous a engendrés, le même aux yeux de Grégoire, le père biologique n’étant que le truchement du Père Amour. Il est donc clair aussi que le théologien dénonce l’aveuglement engendré par la haine qui se referme sur sa vengeance et sa violence intérieure, aveuglement qui ne peut naître de la paix parce que celle-ci échappe à la vanité des conflits ponctuels, qui eux engendrent des malheurs durables. Je ne puis m’empêcher de penser au père de l’enfant prodigue dans l’Évangile, qui laisse à peine à son fils le temps de lui demander pardon, parce que son cœur est inondé d’amour et de paix, car la paix a ceci de remarquable qu’elle est à la fois cause et conséquence du vrai amour.



Chapitre 5 - Hypocrisie et aveuglements du chrétien, qui ne veut pas se réformer.

La question est immédiatement posée : « Quelle en est la cause de cela » ? et sous les apparences d’un feu roulant d’hypothèses Grégoire assène à ses auditeurs le nom de ces travers, de ces failles inhérentes à la nature humaine. Du même coup, il fait le portrait des hommes et désigne à leur attention les entraves à leur chemin vers Dieu, à l’installation du Royaume, dès ici-bas, car il n’est pas question pour le chrétien de parier paresseusement sur un avenir enchanteur dans l’au-delà si dès maintenant, à la minute même où il le devient, il ne se fait pas bâtisseur de ce Royaume. Pourquoi ? parce que, comme le dit si exactement Alexandre Schmemann dans son Journal (Alexandre Schmemann - Journal, 1973-1983, éd. des Syrtes, Paris 2009), en date du mardi 15 mars 1977 en reprenant l’épitre de Paul aux Hébreux (XI,1) « la foi engendre l’Église », je parle en quelque sorte de l’ontologie de la foi elle-même. Car la foi et l’Église ne sont pas deux « réalités » distinctes, où l’une d’ailleurs « préserverait » ou « sauvegarderait » l’autre. Non. La foi est la possession du Royaume (« la garantie de ce qu’on espère », le Royaume, et « la preuve des réalités qu’on ne voit pas » le Royaume). Et c’est cette possession qui est l’Église comme mystère, comme unité, comme vie nouvelle, etc. – c’est la présence de ce qu’on espère et qu’on ne voit pas ».
Il est encore plus évident, après ce que nous venons de lire, que la construction du Royaume animée par la foi, vivifiée par l’espérance et réalisée dans la charité, que l’Église ne peut être un chantier de discordes, et ne sera pas le résultat d’une magie.


Voyons donc le portrait de l’homme oublieux des préceptes évangéliques dans le miroir implacable que met devant nos yeux le théologien. Nous relevons :

  • le goût du pouvoir qui veut nous rendre et nous établir maîtres d’autrui et de la marche du monde, symbolisé par la naïve et triste croyance que « j’ai toujours raison ».
  • le goût de l’avoir, qui nous fait contempler nos richesses et subordonne  tous nos projets à leur succès économique et financier « qu’est-ce que cela me rapporte ? »
  • la jalousie, qui ronge l’âme et vicie jusqu’à l’air qu’on respire « pourquoi aurais-je moins que lui ?ou ne suis-je pas aussi bien que lui ? »
  • la haine qui nous pose en juge et arbitre d’autrui, au nom de la rancune  et de tous les autres défauts déjà nommés, qui rendent notre âme incandescente par la violence, extérieure ou intérieure.
    l’orgueil qui vise à nous auto attribuer ou demander la meilleure place dans la société, qui veut nous rendre le point de mire de ceux qui nous connaissent. Nous
    trouvons là-dessus dans l’Évangile une parabole qu’il est inutile de citer, n’est-ce pas ?

Grégoire arrête ici la liste ; elle pourrait encore s’allonger, mais il veut surtout que résonnent en nos oreilles les noms des vices qui pourrissent et avilissent la créature de Dieu que nous sommes tous. Pour mettre un comble à l’inconséquence du comportement des chrétiens de sa communauté qui se déchirent, il prend un malin plaisir à souligner que les athées, ceux qui se passent de Dieu, ne sont pas victimes de ces vices, car ils n’oublient jamais la finalité de leur association de malfrats ! le chrétien serait-il le seul, mauvais gestionnaire de sa foi, à s’installer dans la querelle ?   
Il s’ensuit, dans le paragraphe suivant, en entier, une belle diatribe, comme les aiment les orateurs, mais qui produisent aussi un profond effet sur l’auditoire, parce que l’auditeur est mis « sur le grill » comme on dit familièrement. On ne peut échapper à son bourreau !

C’est le moment pour Grégoire de souligner à présent l’inconséquence de nos comportements. La querelle inspirée par les défauts que fait apparaître la vie en communauté ou dans un groupe d’appartenance comme l’Église, nous l’habillons de prétendues disputes au nom de la foi : « nous nous abritons derrière le faux-fuyant de la vérité en prétendant nous battre pour la foi », dit-il précisément. C’est-à-dire que le plus souvent, au lieu de reconnaître nos fautes, nos erreurs, nous les travestissons pour en faire des justifications idéalisées : l’exigence de la vérité, le dogme de la vraie foi. Mais comment, semble dire Grégoire, pouvez-vous oublier la cinglante admonestation du Christ adressée aux Pharisiens, rapportée par Matthieu en 23, 25-28. : « Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui purifiez l’extérieur de la coupe et du plat , alors que l’intérieur est rempli des produits de la rapine et de l’intempérance . . . Pharisien aveugle  ! (notons le passage au singulier comme une apostrophe à chacun)  purifie d’abord le dedans de la coupe, pour que le dehors aussi devienne pur. Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui ressemblez à des sépulcres blanchis : au-dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils sont pleins d’ossements de morts et d’impuretés de toutes sortes . . . vous opposez aux hommes l’apparence de justes, alors qu’au-dedans de vous vous êtes remplis d’hypocrisie et d’iniquité ». On pourrait citer le chapitre entier, qui est à nos yeux un des plus effroyables de l’Évangile, parce qu’il jette une lumière crue et implacable sur nos mensonges, nos intérêts déguisés, nos mesquineries, nos crimes contre la paix, oui, contre la paix parce qu’aucun groupe social, aucune structure nationale, aucune institution internationale ne peut faire naître la paix aussi longtemps  que chacun portera et entretiendra dans son cœur « ce nœud de vipères » qui distille un permanent venin. Ce que souligne aussi la diatribe du Christ est que chacun  est dans le déni de ses fautes. Ce n’est donc pas par hasard que Grégoire souligne vertement nos handicaps psychiques et spirituels dans ce discours dédié à la paix. Et nous comprenons pourquoi le Christ dit : « Je vous laisse la paix, Je vous donne ma paix » car elle est le fruit de la pureté du cœur, désintoxiqué en quelque sorte de toutes ses péchés, actes et pensées, qui le parasitent. On pourrait objecter: qui peut accéder à l’authentique pureté ? et serions-nous alors condamnés à l’errance spirituelle  et au désespoir de voir Dieu ! Grégoire de Nysse (Les Béatitudes, n°10, éd. Migne, coll. Les Pères dans la foi), dans sa sixième homélie sur les Béatitudes nous assure en effet  que le chemin est étroit et escarpé, mais que le Christ dans le Sermon sur la montagne enseigne comment venir à bout de chacun des défauts qui correspond à la béatitude projetée dans la lumière de l’espérance. Et qu’au bout du compte, « le cœur pur abrite et découvre l’image de Dieu. Rassemblée, clarifiée, l’âme retrouve sa beauté première ». C’est à cette seule condition que la Paix entrera dans le monde. N’est-ce pas la pensée que veut nous donner à méditer l’orateur théologien ? 
Mais il ne s’en tient pas à des propos généraux, théoriques. Dans le paragraphe suivant, ligne 10 du texte grec, et 3° § du texte français, il donne des exemples de cette inconséquence, de cette mauvaise foi qui modifie radicalement et méchamment nos jugements sur une personne  sans que cette personne n’ait rien modifié dans sa foi. En effet, ses références montrent le glissement mauvais du jugement d’un set soudain devenu un Judas ou un Caïphe, et ainsi de suite pour ceux que notre méchanceté déclasse, si l’on peut dire, pour les ostraciser d’un  monde bon et juste où ils trouvaient naguère leur place.

Pour qualifier nos manières retorses, Grégoire use de termes imagés : nous serions « égarés et rusés » dit-il, ajoutant même le qualificatif « anoètotatos = ἀνοητότατos » qui mot à mot veut dire « qui ne pense pas » et réservé aux animaux ; en français courant on dirait « le dernier des ânes ». La formulation met en valeur le caractère versatile de nos approbations ou réprobations, soumises aux fluctuations de nos états d’âme (jalousie, haine, colère etc.).

Le dernier paragraphe récapitule les errements de notre discernement, en amplifiant ce qui vient d’être dit à propos d’un homme juste ou injuste. Récapitulation sur deux niveaux : le premier se situe sur un strict plan philosophique où l’apparence d’un comportement est d’abord jugée comme conforme à un état intérieur, ici celui du penseur, du philosophe, voire du sage (son habillement, sa pâleur, sa voix) et, subitement et sans justification, cette apparence est perçue comme une posture, un mode affecté et prétentieux ! Pourquoi ?  
Le deuxième plan élève d’un cran la référence : celle à Jésus, soupçonné par les Pharisiens,  dans les évangiles de Luc 11, 15, de Marc 3, 22 et de Matthieu 12, 24,  d’être un suppôt de Belzéboul–prince des démons-. Si donc le Christ subit de telles calomnies, à quelles avanies le disciple fidèle ne sera-t-il pas exposé ? Mais la leçon majeure que veut sans doute nous donner Grégoire, car c’est son cheval de bataille, est que pour porter de tels jugements : « nous nous servons d’une balance faussée, celle de la dissension et de l’animosité », autrement dit nous avons banni la paix de nos cœurs. Et Grégoire, qui sait que lui aussi est pécheur, utilise non plus le « vous » pour reprocher de ce dont il est témoin, mais le « nous » qui l’inclut et l’associe à l’humanité pécheresse. C’est d’ailleurs un trait dont tout  prédicateur devrait s’inspirer.



Chapitre 15 - La paix

Ce chapitre, car nous arrivons à la conclusion de ce discours irénique, prend à bras le corps le sujet de la Paix. Le premier paragraphe résume le principe d’une justesse de comportement : le temps de la guerre, le temps de la paix ; un temps opportun pour chacun : « kairos ». On prête cette sagesse au roi Salomon. Mais puisque la paix est ce vers quoi nous devons porter notre âme, repérons le moment qui convient pour la faire grandir et l’étendre ; Grégoire ne se prive pas d’y préciser sa propre pensée sur la question , et là encore nous y distinguons sa qualité de père fondateur de l’Église : la paix doit être privilégiée « mallon apokliteon », car « cette attitude manifeste plus d’élévation de caractère et rapproche davantage de Dieu ».  Regardons de plus près cette dernière  formulation, et nous comprenons très vite que la paix est le fruit d’une ascèse, le fruit d’un combat en soi pour y établir le triomphe et la permanence de cet état ; cette paix ne nous est pas donnée d’emblée, même si le Christ le dit en effet ; s’Il la donne , c’est à nous de l’accepter et de créer en nos cœurs cette vacance qui permet d’en faire sa demeure. Notre état d’homme inscrit dans la finitude est obligé de reconquérir ce qu’il a perdu ; elle s’acquiert donc cette paix comme un trésor qui se découvre à l’issue d’un voyage au bout de soi-même ; il nous faut débusquer dans ce moi boueux et instable la perle qui demande d’accéder à la lumière pour y retrouver son orient, pour devenir en chacun le joyau le plus beau, le plus précieux. Le second avantage d’accéder à cette paix a pour conséquence de « nous rapprocher davantage de Dieu ». Ce dernier bienfait renouant avec l’aptitude et la liberté qui est en nous de nous laisser inspirer par l’image de Dieu dont, maintes fois, nous avons dit qu’elle est dynamique et cocréatrice de son œuvre.

Le deuxième paragraphe veut justifier le premier et, pour illustrer le combat à conduire, Grégoire dresse la liste de nos contradictions, car nous sommes ainsi faits que l’esprit est prompt mais la chair faible. L’apôtre Paul nous a déjà mis sur le chemin de cette constatation et du remède à cette dichotomie. Grégoire, en intellectuel, s’attache à montrer l’absurdité de nos comportements, et stylistiquement il le souligne en mettant en facteur commun à ce recensement l’expression « Ô estin atopon », c’est-à-dire «  il serait extravagant (mot à mot : il serait hors de saison, il serait stupide de . . .  ) », recensement construit sur un rythme de balancement d’oppositions qui souligne notre difficulté à mettre en harmonie la vie de l’âme et celle de l’esprit, désignant ainsi clairement ainsi nos contradictions :
- la concorde perçue comme un grand bien dans la vie privée, mais pas dans la vie publique,
- la vigilance et la bonne administration dans la Cité, mais pas dans la vie de l’Église,
- la paix intérieure dans sa quête personnelle, mais querelle constante et ravageuse contre son voisin, 
- le pardon, sans limite,  demandé par le Christ envers ceux qui nous ont fait du tort, le pardon à l’égard d’autrui annonçant la même mesure de Dieu quand il nous juge, mais méchanceté à l’égard de ceux qui  ne nous ont pas offensés, en méprisant même le bénéfice de la bonté d’autrui,
- enfin, sachant que les artisans de paix sont les fils bien-aimés de Dieu, nous « aimions les inimitiés » , tout en prétendant que « nous faisons les choses chères à Dieu », et en oubliant gravement que Dieu «  a souffert à cause de nous afin de nous rétablir en paix avec lui  et de détruire la guerre en nous ». Que nous montre ce tableau ? cette avalanche de  contradictions recensées, qui confinent à la stupidité dans bien des cas, éclairent ce qui se passe au fond de notre cœur et de notre âme : nos passions nous dévorent, c’est le feu de notre violence intérieure qui détruit les sociétés  qui ne peuvent plus vivre en paix. Nos passions sont nos maîtresses, nous en sommes les vils esclaves, elles nous font renoncer de facto à notre statut de fils de Dieu, rachetés par la passion du Christ, ce rédempteur, ce « réparateur » des dégâts  causés par la faute originelle, c’est-à-dire que nous usons à mauvais escient de notre liberté de choisir le meilleur, en optant pour ce qui enlaidit l’humanité et ralentit son chemin de transfiguration.
Nous percevons bien que Grégoire qui entre désormais dans la phase de conclusion de son discours sur la paix donne de la densité à ses dernières paroles, comme s’il donnait un ultime coup de rein pour faire avancer son entreprise, dont il sait la fragilité, en bon connaisseur de l’âme humaine.



Chapitre 16 - conclusion

L’exhortation dans cet ultime chapitre se fait plus ferme. Le premier pasteur rassemble ses derniers arguments dans un mouvement ternaire qui symbolise la stratégie de son action.

Dans le premier paragraphe l’usage de la première personne du pluriel sonne comme un rassemblement de la communauté : l’évêque, les clercs, les laïcs pour regarder attentivement, et se concentrer sur le don (tô dôron) que nous a fait le «  Pacifique », comme dit Grégoire ; ce qui forme un renvoi explicite à son premier chapitre, où il dit que la Paix absolue est aussi un nom de Dieu. Cette paix dont le nom même est un message ; le mot est en effet l’expression performative de ce message. En le prononçant, ce mot la crée en nous, qualifié de « message d’adieu » du Christ en quittant ce monde. C’est ce même terme de Paix que le Christ utilise quand peu de temps après sa Résurrection, Il apparaît soudain dans le cénacle (Luc 14, 36 b), et c’est surtout la référence à l’évangile de Jean (14, 27) qui s’impose à notre esprit : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix, je ne vous donne pas, moi, comme le monde donne ». C’est le verbe « didômi » qui est utilisé, de la même racine que le mot « dôron », utilisé par Grégoire.  La référence de ce dernier est donc tout à fait explicite. Ce renvoi que nous suggérons au propos de Jean vise précisément chaque chrétien à interroger le mot « don ». Sommes-nous conscients de l’ampleur de cette générosité, de cette offrande faite à l’homme de bonne volonté ? expérimenter la paix de Dieu en son cœur et de connaître la sérénité totale de l’âme que ne troublent plus les passions qui engendrent tant de désordre, d’insatisfaction et d’amertume ! Et Grégoire rappelle avec force qu’il n’est qu’un seul combat : celui contre l’Adversaire, comme il le nomme avec justesse « tès antikeimenès dunameôs : la puissance d’opposition ». Grégoire aime cette appellation de Satan, du diviseur (le diable) car il le campe ainsi dans une attitude systématique d’hostilité à toute l’économie divine tournée vers le bien de l’homme. Et prêchant d’exemple, il a cette splendide et émouvante parole que l’on chante aux divers offices de Pâques et du temps pascal : « Disons « mes frères ! » même à ceux qui nous haïssent, si, naturellement, ils l’acceptent ».

Et pour rester en conformité avec l’idée d’ascèse qui sous-tend l’ensemble de ce discours, Grégoire nous propose l’image du lutteur avisé qui, en position apparente de faiblesse contre l’adversaire qui le couvre, se redresse soudain et, faisant fi de son apparente infériorité, sort victorieux du combat. C’est même justement parce qu’ils sont à terre que ces faux perdants  gagnent ! Pourquoi cette image des lutteurs ? que représentent-ils ? on peut penser qu’ils sont la métaphore de nos conflits intérieurs, mais aussi des conflits dont se nourrit le monde, et que ce monde terrestre veut asservir tous les hommes à ses lois terrestres, celles dont le plus grand nombre se contente, et qui croient triompher par la contrainte de ceux que d’autres valeurs sollicitent. Ils croient pouvoir gagner parce qu’ils sont nombreux, violents, assoiffés de pouvoir et gangrenés par l’esprit de lucre. Ce sont ceux-là que Grégoire nous invite à ne pas imiter : « les plus insatiables parmi les goinfres et les négociants », les premiers parce qu’ils se remplissent la panse jusqu’à éclater, les seconds parce qu’ils surchargent leurs navires au point qu’ils les font couler. Aussi la conclusion est-elle sans appel, implacable et féroce contre ceux qui bafouent les lois de la mesure : « ils se sont exposés à subir de grands dommages dans le but de gagner peu de choses ». On ne saurait mieux peindre l’erreur de jugement qui fait vivre à certains leur vie à contresens.

Après le pronom « nous », incitatif et globalisant du premier paragraphe, Grégoire en vient, dans ce deuxième paragraphe,  au « Je » qui lui redonne l’initiative d’une autorité personnelle, en s’appuyant de surcroît sur l’autorité de l’Écriture, pour dire et redire son inlassable combat pour la paix. Ses références sont Isaïe et Jérémie dont il se fait le porte-voix, et par un jeu de réciprocité et un effet d’écho, ces deux grands prophètes à leur tour amplifient la gravité du message de Grégoire. Le théologien utilise le vocabulaire vigoureux et insistant qui est celui de ces deux prophètes : « Je le crie donc et j’en témoigne et je ne cesserai de mettre en pratique ce mot de l’Écriture ». Le rythme même choisi pour dire son attachement à leurs propos est accéléré et les mots s’enchaînent comme s’il n’y avait pas de place pour la moindre hésitation, soulignant du même coup la force de la résolution, car leurs paroles justifient la justesse du combat de Grégoire. Mais ces citations, quel pouvoir ont-elles de mobiliser l’attention des auditeurs : « A cause de Sion, je ne garderai pas le silence et à cause de Jérusalem  je ne renoncerai pas » - c’est Dieu qui parle, bien entendu - (Isaïe) et « en effet le cœur me manque à cause de ceux qu’on est en train de faire périr » ? Notons que ce chapitre 62, reprise thématique des chapitres 60 et 61, d’Isaïe d’où sont extraites ces paroles, est consacré aux retrouvailles de Jérusalem et de Dieu son époux qui lui rend son rayonnement universel (rappelons-nous le chant de louange et de bénédiction de Tobit dans le chapitre 13 du Livre de Tobit). Dieu désormais n’abandonnera plus son peuple, et sera à ses côtés dans tous ses combats. C’est un propos stimulant propre à faire réfléchir les chrétiens qui connaissent la Bible. Quant aux propos de Jérémie, ils évoquent la décision de Dieu de châtier son peuple, qui se lamente cependant sur la perversité et le dévergondage des enfants d’Israël. Il y a ici grandement  à méditer, c’est ce que veut obtenir Grégoire qui reprend à son compte les paroles des prophètes.
Le retour du pronom «  nous » ne fait que rappeler le tort où se met la communauté en vivant dans une sorte de déni des lois chrétiennes, et en favorisant le désordre psychologique créé ainsi par une inversion des valeurs et des sentiments naturels : pitié et haine s’appliquant à contrecourant des situations vécues. : la victime n’est pas plus plainte que haïe.
Ces derniers mots nous projettent sous l’éclairage de la conclusion de Grégoire. Si vous êtes raisonnables – on peut jouer en effet sur les mots - les raisons / raisonnable – tous vous y gagnerez ; si vous négligez mes  objurgations, si vous restez sourds à mes propos, alors je ne peux plus rien, j’ai fait ma part d’homme tandis  que vous refusez de prendre votre part à l’établissement de la paix, même si le retour de la paix relève de la puissance de Dieu (cf. Ch . 14 p. 253). Il faut que l’homme aussi y contribue, sinon « vous connaîtriez les conséquences ». La crainte sera-t-elle commencement de sagesse ?
Après cela Grégoire convoque déjà, dans une sorte de vision d’une réalité inéluctable, tous ceux qui s’opposent à cette paix, à comparaître devant « le grand Juge indulgent et pacifique, maintenant et au jour de la rétribution dans le Christ lui-même ».
Ces mots de conclusion d’un très beau et très éloquent discours irénique, soulignent avec force que cette vie de querelle et de rancœurs, qui s’est organisée en défiant la loi primordiale de charité et de paix que le Christ est venu enseigner, ne s’achève pas sur cette terre ; elle a, dans une deuxième vie, ses conséquences ; chacun devra répondre de ses actes devant Dieu – « jour de la rétribution » - Dieu indulgent, comme devrait l’être chaque chrétien, pacifique car c’est la paix qui délivre le cœur des  passions dévoyées, et conduit l’homme libre à la Transfiguration.